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jeudi 23 octobre 2014

No 23


L’état actuel de ma recherche
Si j’ai choisi d’écrire mon blog en anglais plutôt que dans ma langue maternelle, c’est tout simplement parce que mes collaborateurs en Allemagne et aux Etats-Unis ne peuvent lire des documents écrits en français. Il est évident que mon blog constitue une source d’information indispensable pour ces professionnels. Ce ne sont pas des excuses que je vous présente, mais une explication rationnelle. Je préfère nettement écrire en français. Pour ce numéro-ci, je juge qu’il n’est pas nécessaire pour ces collaborateurs d’en connaître le contenu.

En même temps que je vous informe de l’état actuel de ma recherche, je tiens à répondre à certaines questions que vous êtes en droit de vous poser à ce sujet.

1. Combien de mercenaires Allemands ont déserté leur régiment au cours de la Révolution Américaine de 1775 à 1783 ?

Les statistiques varient, selon les auteurs et les historiens, entre 6 500 et 7 000, soit 4 500 en territoire américain et 2 500 en sol canadien. On sait que, des 30 000 mercenaires Allemands qui ont traversé l’Atlantique 17 500 sont retournés en Allemagne, la plupart en 1783.

C’est donc tout à fait réaliste de prétendre que Philip Long a pu être l’un de ces mercenaires qui sont restés en Amérique plutôt que de retourner en Allemagne.

2. Pourquoi ces mercenaires ont-ils préféré rester en Amérique ?
(a) Plusieurs étaient venus dans l’intention d’y rester.

(b) Les immigrants Allemands étaient très nombreux en Amérique, surtout en Pennsylvanie où des communautés complètes étaient constituées d’Allemands.

(c) Les conditions de vie en Amérique étaient fort alléchantes pour ces soldats. Ils étaient surpris des salaires élevés payés à des hommes de métier.

(d) Les mercenaires qui osaient déserter recevaient une terre de 50 acres et des animaux de ferme.

(e) Les déserteurs n’avaient pas besoin de joindre les rangs des Patriotes. Il leur suffisait d’échanger leur mousquet pour une fourche. Néanmoins, certains mercenaires se sont inscrits dans les régiments des Patriotes après leur désertion.

(f)  La majorité des Allemands établis voulaient rester neutres ou préféraient joindre les Patriotes. Lorsqu’on scrute les listes de soldats du côté des Patriotes, les Long/Lang sont énormément plus nombreux que du côté des Loyalistes.

(g) Moyennant une somme d’argent, les mercenaires pouvaient acheter leur liberté. S’ils empruntaient cette somme d’argent, ils devaient, en revanche, travailler pour cet individu prêteur pendant quelque temps. C’était, par ailleurs, une pratique courante à Philadelphie d’acheter des immigrants qui arrivaient sans le sou et qui ne pouvaient payer leur passage.

3. Puisque Philip Long a écrit qu’il a participé à cette guerre à partir de 1775, où peut-il avoir combattu  ?
Les premières confrontations entre les Britanniques et les Patriotes eurent lieu à Lexington, Concord et Québec. Il fallait donc que Philip soit, à toute fin pratique, un soldat Britannique. Les régiments Provinciaux Loyalistes ont mis du temps à s’organiser, parce qu’on n’en voyait pas l’utilité au début. Cependant, mes recherches au PRO de Kew (Angleterre)  démontrent que Philip Long ne faisait pas partie d’un régiment Britannique régulier.

Par ailleurs, les premiers mercenaires Allemands ont débarqué en Amérique (Québec et New York) au cours de 1776. Philipp Lange a été appointé au mois de mars 1776 : il savait à cette date qu’il viendrait combattre en Amérique peu après. Dans la base de données Hetrina, on n’indique pas de date précise pour l’enregistrement des soldats, enregistrement qui se faisait dans la communauté où vivait le candidat. J’assume que Philipp Lange a joint l’armée de Waldeck au cours de l’année 1775 ou quelques mois avant le mois de mars 1776.

Cette lettre, dans laquelle Philip parle de sa participation à la Révolution à partir de 1775, n’a pas été écrite par lui-même, bien qu’il l’ait signée. Cette lettre a été écrite 24 années après qu’il arrive au Canada. Lorsqu’on connaît les circonstances qui ont motivé cette lettre à ses supérieurs britanniques, Philip ne voulait certainement pas rater l’occasion de souligner son engagement envers à la Couronne britannique.

4. Philip Long a-t-il débuté la Révolution dans un Régiment britannique pour terminer dans le King’s American Regiment, un régiment Provincial constitué de citoyens ordinaires ?

Il faudrait vérifier si d’autres soldats réguliers britanniques ont quitté un régiment de soldats professionnels pour joindre les rangs d’une milice loyaliste. Pourquoi aurait-il accepté une démotion sans aucun motif sérieux ?  Un tel geste me semble inusité.

Le King’s American Regiment (KAR) était, au départ, un régiment Provincial (une milice pouvant dépasser le territoire local), mais, avant la fin de la guerre, a été exceptionnellement reconnu comme régiment britannique régulier. Les Généraux britanniques ne pouvaient pas compter sur la conscription à elle seule en Europe pour gonfler ses rangs de soldats. Les Loyalistes étaient en minorité aux Etats-Unis, ce qui explique en partie l’issue de cette guerre : le manque d’effectifs.

Benoît Long a donné son opinion à ce sujet en 2007. Il ne croit pas non plus que Philip ait pu faire partie d’un régiment britannique régulier avant de s’inscrire dans un régiment loyaliste. Voici ce qu’il a écrit :

« To have been in the Military without leaving any record of such service is difficult to accept. The Military are notoriously efficient and bureaucratic and at least, in this instance, one would hope that records would have been kept to help us out. It is now my view that we can safely discount at least one possibility and, that is, that Philip would have been part of the British military establishment prior or during the Revolution ».

5. Le premier rôle d’appel (muster roll) où apparaît le nom de Philip Long a été signé en Floride en 1781. Et qui plus est, on le montre comme déserteur du West Florida Royal Foresters (WFRF). Mais, où se trouvait Philip entre 1775 et 1781 ?

Plan du Fort Georges à Pensacola 
qui a été construit par les soldats eux-mêmes
Voici ce que Benoît Long a écrit en 2007.

« How he (Philip) got to Savannah and who he was prior to enlisting is still a mystery… Therefore, a record will have to be uncovered and additional research will have to be done to illuminate any military service by our ancestor prior to 1781 ».
Benoît ne savait pas comment répondre à cette question,
mais il a su poser la question la plus cruciale
au sujet des origines de Philip Long.

Selon mon hypothèse et ma documentation, il est arrivé en 1776 et il a fait partie du 3e Régiment Britannique-Waldeck jusqu’en août 1778, date à laquelle il a déserté dans le camp ennemi pour revenir du côté des Britanniques, mais dans un régiment Loyaliste.

Le 3e Waldeck, comme tous les autres régiments allemands, accompagnait les régiments britanniques. Sa tâche principale, en 1778, était de protéger les deux régiments Loyalistes, Le Pennsylvania Loyalists et le Maryland Loyalists. À l’été 1778, une attaque des Patriotes a porté un dur coup au Pennsylvania Loyalists. Les pertes ont été lourdes. En plus des vies humaines, ils ont perdu l’usage de leur train d’approvisionnement (supply train). À cette date (1778), les Britanniques étaient en train de perdre la bataille dans les États du Nord et l’on songeait depuis un bon moment à déménager dans le Sud pour se regrouper et pour protéger le bastion Loyaliste du Sud.

À partir du mois d’août, les préparatifs allaient bon train. En septembre, on annonçait le « Grand déménagement ». Au-delà de 10 000 citoyens et soldats montèrent sur plus d’une centaine de bateaux pour se rendre en Floride, laissant la ville de New York et les environs sans grande protection. C’est à cette période que d’innombrables désertions eurent lieu, dont Philipp Lange. Pour trois des six régiments allemands, Hetrina indique 186 désertions pour le mois d’août.

Et voilà que deux années plus tard fait surface un dénommé Philip Long, en même temps que disparaît du radar un dénommé Philipp Lange. 
N’est-ce pas que la coïncidence est étonnante ?

6. Une fois arrivés en Floride, à quoi se sont affairés les soldats sous la nouvelle direction du Major-Général Campbell ?

Pendant plus de deux ans, les soldats troquèrent leur mousquet pour le marteau : ils construisirent le Fort Georges en prévision d’une attaque des Patriotes. Pendant ce temps, les Espagnols déclarèrent la guerre à l’Angleterre (à l’insu de Campbell) et, à vrai dire, ce sont justement les Espagnols qui ont précipité la défaite cuisante de l’armée britannique aux mains des Patriotes.

Le Major-Général Campbell a clairement manqué de clairvoyance, ce qu’il a admis plus tard.

7. Philip Long se trouvait-il en Floride entre 1778 et 1781 ?
C’est ici que ça passe ou que ça casse!

Le capitaine Alberti du 3e Waldeck a indiqué que Philipp Lange a déserté en août 1778. Alors, comment peut-il avoir accompagné ce même régiment à l’automne 1778 pour se rendre en Floride, s’il l’a déserté quelques semaines auparavant ? Je n’ai aucune réponse définitive, parce que je n’ai pas en main un rôle d’appel où il figure comme soldat régulier dans le Waldeck ou dans un régiment Loyaliste comme le Pennsylvania Loyalists. Il n’apparaît pas non plus sur un rôle d’appel (muster roll) d’un régiment des Patriotes. Par conséquent, a-t-il vraiment déserté pour passer du côté de l’ennemi ?

En 1781, il est membre du West Florida Royal Foresters (WFRF), régiment levé en Floride en 1780. Puisqu’il ne faisait plus partie du Régiment Waldeck, on ne peut s’attendre à le voir figurer sur l’une de ses rôles d’appel entre 1779 et 1781. J’ai en main les précédents rôles d’appel du Waldeck 2e Compagnie (Cpt Alberti), celles d’avant sa désertion. Par conséquent, il nous faudrait les rôles d’appel des régiments Loyalistes entre 1778 et 1781. Ces rôles d’appel n’existent pas : je ne suis pas le seul à les chercher!

Philipp Lange pourrait être passé dans le Pennsylvania Loyalists ou le Maryland Loyalists avant de partir pour la Floride à l’automne 1778. Une fois arrivé, il a pu s’enregistrer dans le WFRF. C’est ce qui me semble expliquer le mieux le passage de Philipp Lange du Waldeck en 1778 au WRFR en 1781. Mais, ce n’est qu’une opinion. 

8. Pourquoi Philip serait-il passé dans les rangs de régiments de cavalerie comme le WFRF et le KAR ?

Je prétends que les conditions de travail pour un cavalier étaient supérieures à celle d’un fantassin (private soldier). Philipp venait d’une communauté rurale et il a pu être familier avec les chevaux.

Il est évident que les cavaliers servaient d’éclaireurs et de courriers entre les compagnies de soldats réparties souvent sur un grand territoire.  Les risques encourus par les cavaliers étaient plus importants que ceux des fantassins, mais le salaire était plus alléchant. C’est mon humble réponse à une question qui mérite, j’en conviens, une réponse plus étoffée.

9. Comment Philip Long a-t-il pu prendre la poudre d’escampette le 9 mai 1781, à Pensacola, avec plus de 80 autres soldats, dont 22 du WFRF ?
Une violente explosion du magasin des munitions du Fort Georges le 8 mai à Pensacola a fait de nombreuses victimes. Ce fut l’œuvre d’un traître. Le bastion britannique s’est effondré et le Major-Général Campbell a rendu les armes quelques heures plus tard. Les Espagnols ont fait des centaines de prisonniers dont plusieurs qui s’étaient sauvés dans les marais.

À partir de cet événement, le déclin de l’armée britannique s’est accéléré. Leur résistance durant les deux années suivantes se résumait à des escarmouches qui ne faisaient que prolonger leur agonie.

Quelques mois plus tard, Philip Long réapparaît dans l’une des compagnies du KAR, compagnie qu’il délaissera pour une autre du même régiment peu après. Mais, malgré tout, Philip Long restera dans les rangs du régiment KAR entre 1781 et 1783.
C’est à croire que Philip se faisait une spécialité de déserter.

10. Mais, Philip Long désertait-il vraiment ou passait-il d’un régiment à l’autre selon les besoins et les offres plus avantageuses les unes que les autres ?

Votre opinion à ce sujet est aussi valable que celle de n’importe qui d’autres. D’ailleurs, nous n’aurons jamais de réponse définitive à cette question.

En comparant les rôles d’appel d’une même milice, on constate qu’un bon nombre de soldats prennent les armes pendant quelques semaines pour retourner à leur famille. Ces « soldats d’un jour » sont des citoyens de tous les acabits qui montent au front pendant quelques semaines à la fois. C’est aussi vrai du côté des Patriotes que du côté des Britanniques. Les régiments Provinciaux sont, en fait, des milices qui débordent le territoire local pour aller combattre ailleurs.

D’autres, par contre, deviennent des combattants plus réguliers dans ces milices. On les voit sur plusieurs rôles d’appel d’affilée. Philip est resté dans un régiment provincial loyaliste pendant deux années consécutives, de 1781 à 1783.

11. Si Philip avait eu une famille aux Etats-Unis, n’aurait-il pas pris du temps pour la rejoindre au cours de ces deux années ?

De 1781 à 1783, alors qu’il faisait partie du KAR, il a remonté vers le Nord pour, finalement, se retrouver à New York. S’il était né en Pennsylvanie, par exemple, il se serait absenté pour visiter sa famille. Ça ne semble pas être le cas.

En désertant du Waldeck, Philipp Lange savait qu’il ne reviendrait pas avec son régiment en Allemagne à la fin du conflit. Sa décision de rester en Amérique a été prise en août 1778.

12. Comment a-t-il pu déserter son régiment allemand tout en restant loyal à l’armée britannique ?

La désertion de cette sorte n’était pas encouragée, mais était tolérée. À la fin de la guerre, le prince de Brunswick a demandé à l’Angleterre de garder tous ses mercenaires en Amérique pour lui éviter de leur verser une pension militaire, alléguant aussi qu’ils avaient déjà été remplacés en Allemagne. Leur retour ne ferait que  l’appauvrir inutilement. Ceux qui prétendent que les soldats ne sont que de la chair à canon ne sont pas loin de décrire une réalité décevante. Ces princes allemands recevaient plus de bénéfices pour un soldat mort que pour un soldat vivant.

Philipp a fait un choix pour des raisons que j’ignore. C’est étonnant qu’il ait pris une telle décision, refusant ainsi des offres alléchantes des Patriotes.

13. Les Patriotes souhaitaient-ils voir les mercenaires Allemands déserter ?

Tout au long de la Révolution, les Patriotes n’ont rien ménagé pour convaincre les mercenaires allemands de passer de leur côté. Ils ne lésinaient pas sur les moyens pour y arriver, comme je l’ai expliqué dans un autre numéro de mon blog.

Les Patriotes amenaient les prisonniers de guerre dans les communautés allemandes de Pennsylvanie pour que ces derniers se sentent à l’aise en Amérique. Les résultats ont démontré que la guerre psychologique lancée par Benjamin Franklin en 1775 a été aussi efficace que les canons. Les Patriotes savaient aussi qu’ils seraient plus faciles pour les déserteurs de sa cacher dans une communauté allemande qu’ailleurs en Amérique.

La plupart des mercenaires ont préféré tout de même retourner dans leur mère patrie. Plusieurs sont revenus après 1783. Je suis à la trace chacun des Lange/Lang du Régiment Waldeck. Peu d’entre eux sont revenus vivre en Amérique après être retournés en Allemagne en 1783. Ce n’est pas une sinécure non plus de retracer les déserteurs.

14. Ce Philipp Lange, qui a déserté en 1778, pourrait-il s’être évanoui dans le paysage américain en même temps que mon « véritable » ancêtre soit issu d’une famille américaine, rendant ces deux individus distincts l’un de l’autre ?

C’est tout à fait possible, mais peu probable. Je ne prends pas cette décision à l’aveuglette, cependant.

Dans un autre numéro, je vous ai parlé de plusieurs Philip Lang/Long dans les bases de données généalogiques. Aucun de ces dits candidats ne me semble entrer dans les souliers de mon ancêtre.

Je reste sur mes gardes, car ces bases en ligne (Ancestry, RootsWeb et LDS, entre autres) ne montrent, à mon humble avis, qu’une fraction des dossiers civils et religieux en existence. Par exemple, je ne trouve que très peu de certificats de baptême pour les membres du Régiment Waldeck. Pourtant, je sais où chacun demeurait à son enregistrement dans l’armée.
Cette notion est cruciale dans ma recherche.
J’avance en fonction de la disponibilité des dossiers. 
Je note que de plus en plus de dossiers alimentent 
ces bases de données : c’est encourageant!

NOTE. L’Église Evangelical de Wirmighausen me confirme que Philipp et Henrich Lange ne sont pas nés à cet endroit, même s’ils y demeuraient en 1775. Burgoyne a prétendu qu’ils sont nés à Wirmighausen : il a procédé ainsi pour tous les autres membres du Waldeck, indiquant le lieu de naissance à partir du lieu de résidence au moment de l’enregistrement du soldat dans le Waldeck. Même en recherche, nous rencontrons des nids-de-poule…

15. Quels sont les motifs ou les facteurs qui me font croire que Philipp Lange et Philip Long sont une seule et même personne ?
(a) Les deux ont été des soldats.

(b) Les deux sont des Loyalistes. Les Allemands étaient entraînés ou endocrinés à être loyaux à leur roi à partir de leur enfance.

(c) La vie militaire de Philip Long suit celle de Philipp Lange sans empiètement. Les deux font partie de deux époques successives et non simultanées.

(d) Aucun dossier civil n’existe à cette période aux Etats-Unis au nom de Philipp Lange.

(e) Les dossiers civils américains au nom de Philip Long/Lang sont connus et ces individus y sont restés après 1783.

(f)  L’écrivain Écossais, John Mann, qui a rencontré Philip au Lac Témiscouata, a écrit que Philip « spoke English with propriety » et que toute la maisonnée parlait français. Si Philip était né aux Etats-Unis, il n’aurait pas parlé ainsi de lui.

(g) Je doute fort que les autorités Britanniques aient accordé autant d’attention à un Loyaliste qui n’aurait fait partie que des deux dernières années de la Révolution, période au cours de laquelle les événements ne comptaient plus dans la balance.

(h) Philip n’est visiblement pas resté dans une communauté Loyaliste du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse.  Pourtant, 223 soldats du Waldeck ont formé à eux seuls deux villages en Nouvelle-Écosse. Il était Loyaliste, mais non pas Britannique, à mon avis. De plus, il n’a pas élu domicile sur la terre qu’il a reçue à Meductic NB.

(i)  Son nom a changé en s’inscrivant dans un régiment britannique, comme la plupart des autres, et j’en ai fait la démonstration avec les quelques mercenaires dont le nom de famille était Lange et qui sont restés en Amérique après 1783.

(j)  Il a prétendu faire partie de la Révolution à partir de 1775. Pourquoi ne trouve-t-on nulle part un Philip Long, à part les deux qui faisaient partie du régiment de Reader (Virginie) et de Nice (Pennsylvanie) du côté des Patriotes après qu’il eut déserté en 1778 ?

(k) Comment explique-t-on que, à partir de 1781, Philip Long soit resté sans interruption dans un régiment Loyaliste, mais sans apparaître nulle part avant cette date sous le nom de Philip Long ?

(l)  Les mercenaires Allemands vivaient dans le même camp, ou presque, que les miliciens Loyalistes et les soldats Britanniques. Les mercenaires ne faisaient que les accompagner et ils étaient toujours sous les ordres des commandants britanniques. Cet état de choses n’est pas anodin pour expliquer ces soi-disant désertions à répétition.

(m) La désertion de Philipp Lange en 1778 peut être vue comme une décision de rester en Amérique sans pour autant devenir un Patriote. Comme les Britanniques manquaient de main-d’œuvre, les Allemands ont dû adoucir leurs règles strictes envers les déserteurs à mesure que la guerre avançait, au point de permettre aux mercenaires de rester en Amérique à la fin du conflit.

(n) Le fait que Philip faisait partie d’un régiment de cavalerie a pu lui permettre bien des privilèges qu’il a su utiliser à son escient. Je songe à sa désertion à Pensacola alors que les Espagnols entouraient le fort Georges depuis deux mois. Ceux qui s’étaient sauvés à pied ont été retrouvés des semaines plus tard profondément enfoncés dans les marais de la Floride.

(o) Un test d’ADN indique que mes ancêtres viennent d’Europe Centrale, incluant l’Allemagne.

(p) Les conditions de vie étant difficiles durant la Révolution, il n’a tout de même pas déserté pour retourner dans sa famille. Je ne crois pas qu’il avait une famille en sol américain.

(q) Il a préféré se rendre au Québec parce qu’il savait comme tous les autres qu’un fort contingent de mercenaires Allemands y avaient séjourné de 1776 à 1783 (Régiment Brunswick, entre autres). En 1783, 5 000 soldats Allemands demeuraient pour la plupart dans des familles québécoises. C’est d’ailleurs le Régiment Brunswick qui a connu le plus de désertions.

(r)  Dans aucun rôle d’appel des Patriotes nous retrouvons la présence de Philipp Lange ou de Philip Long/Lang. Comment a-t-il pu servir les intérêts des Patriotes entre 1778 et 1781 et revenir dans un régiment Loyaliste après deux années en cavale et ce, sans laisser de traces dans les régiments des Patriotes ? Bien des capitaines qualifiaient de déserteurs toute forme d’absence temporaire. Les désertions étaient nombreuses. Par exemple, en août 1778, 186 mercenaires Allemands ont déserté. Il a pu aussi vivre en catimini dans une communauté allemande à partir de 1778 jusqu’en 1781. J’ose plutôt prétendre qu’il a rejoint un régiment loyaliste avant de partir pour la Floride lors du « Grand déménagement ».

(s) À maintes occasions, une fois au Canada, Philip a insisté pour réaffirmer sa loyauté envers les Britanniques. Il ne faut pas oublier qu’il recevait une pension militaire et que son emploi dépendait des bonnes grâces du Gouvernement britannique. Il n’avait donc pas intérêt à critiquer ses patrons et ses bienfaiteurs. Il a donc pu être loyal par conviction profonde ou simplement parce que son gagne-pain était en jeu. Il y a donc une continuité étonnante entre Philipp Lange et Philip Long quant à ce facteur de loyauté. C’est surtout cette caractéristique qui me fait croire que Philipp Lange est mon ancêtre.

(t) J’ai identifié d’autres mercenaires déserteurs qui se sont par la suite enregistrés dans les régiments Loyalistes.

(u) Ce n’est pas un certificat de baptême qu’il faut chercher avant tout, mais un contexte où il a pu évoluer avant son arrivée au Canada. Sa présence continue dans les régiments Loyalistes nous indique qu’il était un soldat de profession, du moins qu’il en faisait son mode vie. S’il avait été fermier aux États-Unis, il serait sûrement devenu fermier au Canada. Il est plutôt devenu un fonctionnaire gouvernemental, un courrier, ce qui s’apparente au fait d’avoir fait partie des régiments de cavalerie durant la Révolution. Les humains conservent une continuité dans leur vie en s’appuyant sur leurs acquis. 

(v) Aucun certificat de baptême ne sera acceptable parce que nous ne connaissons pas son âge véritable à son décès.

(w) Les seules manifestations concrètes que Philip Long a pu laisser aux endroits où il a vécu et pour lesquelles nous avons des échantillons, ce sont son ADN et sa signature

16. Combien de fois Philipp Lange a-t-il déserté du Waldeck?

De la base de données Hetrina, Philipp n’aurait déserté qu’une seule fois en 1778 (à part ses soi-disant deux autres désertions dans les régiments Loyalistes). Cependant, Bruce E. Burgoyne a écrit qu’il a déserté à deux reprises, en 1777 et en 1778.

J’ai obtenu de la bibliothécaire de la David Library en Pennsylvanie, Katherine Ludwig, les rôles d’appel du 3e Régiment Waldeck de Philipp Lange jusqu’en juin 1778. Burgoyne a fait une erreur quelconque et compréhensible vu les circonstances de sa recherche documentaire. Il a lui-même indiqué qu’il n’était pas certain des soldats qui avaient été faits prisonniers en 1777. Philipp n’a déserté qu’en août 1778. J’ai les documents pour le démontrer.

17. Philipp est-il vraiment né en 1757 et non à une autre date ?
L’endroit d’où provenait les mercenaires du Waldeck,
en majorité de la Principauté de Waldeck
Dans la base Hetrina, on hésite entre 1756 et 1757. Burgoyne est affirmatif, c’est 1757. Il ne faut pas oublier aussi que Hetrina ne donne pas de date de naissance pour Henrich Lange, un mercenaire lui aussi de Wirmighausen. Burgoyne indique qu’il est né en 1756. De quels documents disposait-il pour apporter cette précision ? Je ne le sais pas. C’est une question à laquelle le généalogiste d’Allemagne va tenter de répondre. 

L’Église Evangelical d’Adorf m’indique que ces deux individus ne sont pas nés à Wirmighausen. Pour l’instant, je ne sais pas à partir de quels documents Burgoyne a su quand et ils sont nés.
Wirmighausen (point rouge)
Je cherche donc, avant tout, deux certificats de naissance au nom d’un seul couple de parents : Philipp et Henrich pourraient être des frères. La barre est plus haute ainsi, mais plus sécuritaire. Des certificats de naissance pour un dénommé Henrich Lange né en 1756, j’en ai quelques-uns, mais rien pour un Philip Lange né en 1757. Selon mes exigences, aussi bien dire que je n’ai pas de certificat de baptême convenable pour ni l’un ni l'autre.

Comme je l’ai mentionné, un généalogiste professionnel en Allemagne fait des pieds et des mains pour résoudre ce dilemme et d’autres aspects de ma recherche. Il m’a fallu deux mois pour trouver un généalogiste fiable et compétent dans la région de Hesse et qui possède de l’expérience dans les régiments militaires du temps de la Révolution.

Note. Il y a d’autres mercenaires allemands dont le dossier militaire ne renferme pas la date de naissance : Philipp Lange n’est pas un cas isolé. Ces soldats inscrits dans l’un des six régiments n’habitaient pas tous dans la principauté liée au régiment.

18. À quel point peut-on se fier à un document d’époque relié à Philip Long ?

En 1830, les recenseurs Américains Deane & Kavanaugh ont rencontré à Frenchville le fils de Philip, Jean-Baptiste. Voici le rapport qui a découlé de cette rencontre.

« Jean-Baptiste Long, resident in the Madawaska settlement, near the Catholic Chapel in the Parish of St. Emile (Ste-Luce) now 31 years of age and upwards; born at the river De Loup which crosses the Grand Portage, and twenty years ago his father brought him with the residue of his family to the Lake Temiscouata, and settled at the place where the Grand Portage commences. He resided at that place nineteen years, and in the autumn of the year 1827, he moved to the place where he now resides. Ever since he was old enough to cross the Grand Portage he has crossed it from one to six times a year ».

Il semble que Jean-Baptiste était assez compétent en langue anglaise pour informer les recenseurs de ce que sa famille avait vécu avant de s’établir au Madawaska.

Dans nos conversations courantes, nous affirmons que Philip transportait le courrier de Québec à Fredericton, même jusqu’à Halifax. Sans s’en rendre compte, nous transmettons une perception du travail de Philip en tant que courrier, perception qui pourrait être « tirée par le cheveux ». Sommes-nous certains que Philip faisait tout ce trajet jusqu’à 6 fois l’an ?

En me référant à la page 239 du document de Benoît Long (2007), j’ai eu tôt fait de corriger le tir. Philip ne faisait pas ce trajet seul sur une aussi grande distance. Au contraire, ils étaient nombreux à se répartir la tâche, chacun voyant à transporter le courrier jusqu’au poste de dépôt suivant. Philip a pu gérer l’ensemble du trajet, mais il ne faisait certainement pas tout ce trajet à lui seul.

À en croire certains aspects de notre tradition orale, Philip apparaît parfois comme l’ancêtre de Superman au lieu de l’ancêtre des Long et des Lang du Madawaska…

19. Philip Long était-il âgé de 90 ans à son décès ?

Document à l’appui, nous savons maintenant que le certificat de décès de son épouse, Julie Couillard, comporte une erreur importante de 11 années. Le curé de l’endroit a indiqué que Julie était de 11 années plus vieille qu’elle ne l’était en réalité. Tout porte à croire qu’on a pu commettre la même erreur quant à l’âge de Philip à son décès.

En 1830, les recenseurs Deane & Kavanaugh ont indiqué que Philip était âgé entre 80 et 90 ans. Pour le cas de Julie et de leurs enfants, il semble que les recenseurs aient été informés de l’âge exact de chacun des membres de la famille de Philip et de Julie. Pourquoi auraient-ils commis une erreur quant à l’âge de Philip ?

Des documents de l’époque nous indiquent que Philip était vu comme un « vieux colon ». L’écart d’âge entre Philip et Julie a pu accentuer cette perception. Il est raisonnable de prétendre que Philip avait au moins deux fois l’âge de Julie qui avait 16 ans à son mariage. Mais, avait-il trois fois son âge comme certains le prétendent ? À vous d’en décider.

Le dernier enfant du couple, Michel est né en 1820. Selon certains, Philip avait 78 ans en 1820. D’autres croient que c’est irraisonnable de prétendre que Philip soit né en 1742.

Je souris toujours lorsque j’entends quelqu’un prétendre que Philip est plutôt né aux environs de 1750. Où est le document pour le prouver ? Chacun y va de son propre « schème mental » pour mieux cibler la date de naissance de Philip. Je préfère continuer de chercher ledit document, s’il existe.

Certes, le rapport de Deane & Kavanaugh est à prendre au sérieux. Mais, Philip connaissait-il son âge exact ? Est-ce lui qui a fourni aux recenseurs son âge ou bien un membre de la famille ? Comment se fait-il que les membres de la famille n’ont pas fourni au curé l’âge exact de Julie à son décès ? Ces enfants connaissaient-ils l’âge de leur mère, l’âge de leur père ? La plupart de ces questions resteront sans réponse ad vitam eternam.

Il se peut qu’en l’absence de calendriers et de montres, la perception du temps à cette époque n’avait pas autant d’importance que de nos jours. Les saisons jouaient un grand rôle dans leur vie, mais était-ce le cas de la date de naissance ?

Je crois que l’âge de Philip tel qu’indiqué par les recenseurs a pu être une approximation de leur part. L’âge qu’ils ont indiqué pour Julie en 1830 a pu être aussi une approximation qui s’est révélée exacte. Les recenseurs ont indiqué que Julie avait entre 50 et 60 ans, alors qu’elle en avait 54. J’ose croire que Julie était capable de préciser l’âge de ses enfants, même si elle était illétrée à son mariage.

Il semble que la famille de Philip n’était pas tellement portée sur les dates de naissance. Par exemple, lorsque le fils de Philip, Philippe Lang, est décédé en 1878 à Trois-Rivières, alors qu’il avait 72 ans, on a indiqué sur son certificat de décès qu’il avait 81 ans. Pourtant, deux de ses fils étaient aux funérailles dont un. Léandre, a signée ledit certificat de décès. Ses enfants ne connaissaient donc pas l’âge de leur père. Je crois que c’était aussi le cas de Philip 50 ans plutôt.

Lorsque les recenseurs Deane & Kavanaugh ont indiqué l’âge de Philip en 1831, qui leur a fourni cette donnée ?

Si Philip Lange est mon ancêtre, il avait 35 ans à son mariage, 63 ans à la naissance de Michel (le benjamin de la famille) et 75 ans à son décès. 
Je ne dispose d’aucun document qui me permet de prétendre 
que ce scénario est le seul valable. 
Je prétends, cependant, que je ne connais aucun autre scénario 
qui colle plus à la vie de Philip Long 
telle que je la connais et que je l’interprète.

20. Le cas de Zacharias Long discuté dans le numéro 22 de mon blog a-t-il été résolu ?

Les descendants de Zacharias, face à la documentation que je leur ai présentée, ont décidé de prendre des dispositions pour en avoir le cœur net.

Puisque Zacharias est arrivé à Philadelphie en 1779 en provenance du Québec et puisqu’il a signé le Serment d’Allégeance des Etats-Unis, je leur ai suggéré de retrouver le document qui montre sa signature lors de cet événement. Je leur ai donné la référence du microfilm appartenant à LDS qui pourrait contenir ledit document. Dans les semaines qui viennent, nous devrions être en mesure de savoir si leur ancêtre était ou n’était pas un mercenaire allemand avant de s’inscrire dans un régiment des Patriotes.

La famille semble posséder de nombreux documents signés par Zacharias tout au long de sa vie. Pendant plusieurs années après la Révolution, Zacharias a fait partie d’une milice en Pennsylvanie. On doit admettre qu’il est difficile pour cette famille de croire que leur ancêtre ait été un déserteur allemand avant de devenir un Patriote. Pourtant, ils ont été nombreux à déserter.

La famille de Zacharias est avantagée du fait que le nom de leur ancêtre est extrêmement rare et du fait qu’il a signé le Serment d’Allégeance à Philadelphie. Lorsqu’on recherche dans les bases de données généalogiques un ancêtre du nom d’Henry Long (Henrich Lang ou Lange d’Allemagne), on réalise que l’espoir de trouver son ancêtre est quasi-impossible.

À visiter les arbres de famille sur Ancestry, nous ne sommes pas ls seuls qui rencontrent des difficultés à retracer nos ancêtres en Europe. 

Je ne suis pas le seul qui aurait bien aimé que nos ancêtres prennent l’habitude d’écrire tout au long de leur vie. Voici ce qu’en dit Mgr Lang dans son livre:

« Parmi ses nombreux descendants, il n’y avait personne qui puisse se vanter d’avoir en sa possession, un objet quelconque lui ayant appartenu, aucun écrit, par exemple, portant sa signature. Comme point de départ, il restait la tradition orale, le récit des anciens, dont la version diparate, confuse, variait selon l’imagination inventive du raconteur. En résumé, c’était de la légende pure et simple, mais dans toute légende il y a toujours un fond de vérité ».

Plus tard, Mgr Lang a trouvé des documents portant la signature de Philip Long.

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